Pourquoi le Conseil constitutionnel a-t-il considéré que refuser l'aide juridictionnelle aux étrangers en situation irrégulière était contraire au principe d'égalité ?

La décision du 28 mai 2024 du Conseil constitutionnel sur le bénéfice de l'aide juridictionnelle pour les étrangers en situation irrégulière fait couler beaucoup d'encre.

Il est toujours intéressant, pour bien comprendre une déclaration d'inconstitutionnalité, d'examiner le litige concret dans lequel la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) a été posée.

Car, si la décision du Conseil constitutionnel a évidemment une portée générale, et ne mentionne pas le contexte dans lequel la QPC a été présentée, ce contexte pèse toujours, implicitement, sur la manière dont les juges vont trancher.

En l'espèce, le Conseil constitutionnel a été saisi par trois décisions de renvoi de la Cour de cassation, prises dans le cadre de litiges prud'homaux.

Dans ces trois affaires, des salariés étrangers avaient saisi le conseil de prud'hommes de Paris d'une demande de requalification de leurs contrats de travail temporaire et de leurs CDD en CDI.

Dans ses décisions de renvoi de la QPC, la Cour de cassation rappelle deux règles importantes, prévues aux article L. 8251-1 et L. 8252-1 du code du travail :

- Nul ne peut embaucher ou conserver à son service un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (art. L. 8251, al. 1er)

- Le salarié étranger employé en méconnaissance de cette règle est assimilé, à compter de la date de son embauche, à un salarié régulièrement engagé au regard des obligations de l'employeur, notamment pour l'application des dispositions relatives à la durée du travail, au repos, aux congés, à la santé et à la sécurité (art. L. 8252-1)

Dès lors que l'employeur est soumis à des obligations à l'égard du salarié en situation irrégulière, le salarié doit pouvoir faire sanctionner, par les tribunaux, la méconnaissance de ces obligations.

Or, en l'espèce, les salariés n'avaient pu obtenir l'aide juridictionnelle, faute d'avoir produit un titre de séjour en cours de validité (sans qu'on sache s'ils avaient été embauchés sans titre ou s'ils avaient perdu leur titre en cours de contrat de travail).

Impossible, donc, de faire sanctionner l'éventuelle méconnaissance, par l'employeur, de ses obligations légales.

C'est dans ce contexte que le Conseil constitutionnel a considéré que les dispositions légales qui refusent l'aide juridictionnelle, sauf exceptions, aux étrangers en situation irrégulière méconnaissent le principe d'égalité devant la justice.

On ne peut que s'en réjouir.

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